« Mon appareil photo est toujours en mode automatique »
Je suis interrogé à tous les mariages que je couvre par des invités qui viennent me voir, me montrent leur appareil reflex et me disent : « moi j’en ai un aussi mais je le mets toujours en mode auto, je sais pas faire autrement, je ne comprends rien ». Et c’est en fait très courant. Ce n’est sans doute pas par manque de motivation, mais j’imagine que pour beaucoup, ça paraît une montagne. J’ai donc eu l’idée de consacrer un article à ce sujet. Il en existe d’autres sur le net, il suffit de chercher, mais là, je vais le faire à ma façon, celle qui me paraît didactique et simple à comprendre. Je n’ai donc lu aucun article avant, ne me suis pas pollué pour diminuer le risque de copie d’une autre méthode. Et je vais essayer autant que possible d’employer un vocabulaire simple.
Voilà, c’est parti. J’espère que dans 30 minutes (ça vaut tout de même le coup d’y consacrer ce temps), vous serez prêt à faire des tests !
Les tests ont été fait avec mon compact Fuji X100S avec une focale fixe équivalent 35mm en plein format. Toutes les images que vous verrez dans cet article sont « brutes de capteur » (aucune retouche). Les conditions étaient idéales pour ces tests : forts contrastes entre zones d’ombres et zones de lumières. La scène est un après-midi de lecture avec Michael Lonsdale dans un parc à Juvisy sur Orge.
Sortir du mode automatique en photographie, ça veut dire quoi ?
Tous les appareils de type réflex (et les autres) ont un mode automatique. Ca veut dire que l’appareil photo choisit tout pour vous pour que l’image soit la meilleure possible, c’est-à-dire la plus lisible. L’appareil ne fait évidemment pas la photo à votre place, car il vous faut composer, vous placer. Mais vous diminuez ainsi le risque de la rater (trop ou trop peu de lumière par exemple).
La lumière est le paramètre le plus important en photographie. Votre appareil photo utilise la lumière disponible pour figer une image. Les réglages automatiques choisis par l’appareil seront ainsi totalement différents sous un grand soleil au mois de juin à 14h, ou dans votre maison à la même heure. Pourtant, les images restituées auront sensiblement la même luminosité.
Sortir du mode automatique, c’est donc agir sur certains paramètres et choisir soi-même ses réglages. Il y a plusieurs façons de faire. Et pour sortir de ce mode automatique, il faut surtout savoir ce qu’on veut faire, en gros… Mais ça je vais vous l’expliquer.
Je voulais aussi ajouter une chose importante. L’oeil a un capteur hors normes. Aucun appareil photo ne pourra l’égaler. L’oeil sait déchiffrer l’image et nous la transmettre parfaitement lisible, il sait gérer les ombres et le soleil. Pour l’appareil photo, c’est très compliqué.
Ouverture, vitesse et Iso
Je ne vais pas définir, ou alors très rapidement ces notions, elles sont largement expliquées un peu partout sur le net. Mais vous pouvez agir facilement sur ces 3 paramètres. Il y a 2 façons de faire :
- Contrôler ces 3 paramètres à la fois
- En contrôler un seul et laisser l’appareil choisir
Ces 3 paramètres permettent de contrôler, chacun à leur façon, la luminosité. Vous trouverez sur votre appareil, quel qu’il soit, un bouton dédié pour chaque. Chez Nikon, par exemple, c’est A pour ouverture, S pour vitesse et Iso. Chez Canon, c’est Av et Tv.
Contrôler l’ouverture
L’ouverture, c’est dans les données matérielles qui sont inscrites sur la boite, les sites ou sur les étiquettes des commerces, le chiffre 1/3,5 par exemple. Selon la performance des objectifs, votre ouverture maximale (soit la plus proche de 1) sera de 1,4 ou 3,5, etc. Ce qu’il faut comprendre, c’est que plus le chiffre est proche de 1, plus l’ouverture est « grande ». C’est-à-dire que l’objectif laisse passer plus de lumière. Régler manuellement ce paramètre a de l’importance. En effet, le résultat n’est pas que la lumière. Plus l’ouverture est proche de 1, plus le sujet au premier plan sera détaché de l’arrière-plan avec un effet de flou. Au contraire, plus l’ouverture sera éloignée de 1 (11 ou 16 par exemple), plus les éléments de la photos (premier et arrière-plan) seront nets. C’est donc un vrai parti pris à prendre de votre part ! Voici un exemple en images…
Ouverture 2,8 – Vitesse 1/950 – Iso 200
Ouverture 16 – Vitesse 1/30 – Iso 200
Sur ces 2 images, j’ai souhaité contrôler l’ouverture et laisser l’appareil choisir la vitesse. J’ai aussi figer l’Iso à 200 pour tous les tests sauf un, que nous verrons à la fin de l’article. Ce qui veut dire qu’en théorie, la luminosité des 2 images sera la même puisque l’appareil garde la main sur certains paramètres. Cependant, j’ai choisi de les différencier par l’ouverture. Donc si ce n’est pas par la lumière, ce sera par cet effet de flou.
Sur la première, on voit le personnage détaché de l’arrière-plan. Sur la deuxième, tout est presque net. Sur la première, l’ouverture est de 2,8 (assez proche de 1). Sur la deuxième, l’ouverture est de 16. L’appareil a donc choisi la vitesse pour que la photo soit lisible : 1/950 pour la première et 1/30 pour la deuxième. Nous verrons l’incidence du paramètre vitesse juste après.
Normalement, avec ces explications, vous pouvez déjà faire des choix artistiques avec un réglage : effet de flou d’arrière-plan ou pas ? Vous avez là l’occasion (ou pas) de faire un choix déjà artistique. Mais attention, ça ne marchera que si le sujet de premier plan est bien détaché de l’arrière-plan.
Comment faire ? Vous tournez le bouton de votre appareil qui est sans doute en mode automatique sur la position A ou Av ou autre chose selon la marque. Vous réglez l’ouverture avec la molette dédiée. Et c’est tout. L’appareil va gérer le reste.
Contrôler la vitesse
La vitesse est aussi appelée « temps d’exposition ». C’est la même chose. C’est ce vous lisez sous la forme 1/30 ou 1/1000 par exemple. Plus le chiffre est petit après le 1, plus le temps d’exposition est long : 1/2 c’est une demi-seconde. C’est la durée d’exposition à la lumière. 1/1000 c’est une durée d’exposition à la lumière de 1 millième de seconde. La différence est énorme !
Si vous suivez toujours, contrôler la vitesse en laissant l’appareil choisir l’ouverture ne changera rien à la luminosité de l’image. Mais il y aura une influence sur autre chose : le « flou de bougé ». Plus le temps d’exposition est long, plus les choses qui bougent seront floues. A l’inverse, plus le temps d’exposition est court, plus les choses mouvantes seront figées. Vous pouvez entendre la différence aussi avec la durée du déclenchement de l’appareil, c’est flagrant. Illustration en images !
Ouverture 16 – Vitesse 1/30 – Iso 200
Ouverture 2 – Vitesse 1/2000 – Iso 200
L’intensité lumineuse est la même ! C’est l’appareil qui l’a décidé ainsi. Pour compenser une vitesse rapide de 1/2000, l’appareil a choisi une ouverture de 2, donc très proche de 1, pour ramener plus de lumière (grande ouverture = laisser passer plus de lumière). C’est ce qu’on a vu précédemment dans l’article.
La différence est donc ici sur les flous de bougés. Sur la première photo, la vitesse est de 1/30 (un trentième de seconde). En photographie, c’est relativement lent. On voit donc le personnage flou car il marche. Si ça avait été un cheval au galop, le cheval serait encore plus flou, car il irait beaucoup plus vite ! Sur la deuxième, la vitesse rapide (1/2000) permet de figer les personnes qui marchent.
Vous avez là un deuxième paramètre artistique que vous pouvez contrôler : le flou de bougé, après le flou d’arrière-plan. Ou au contraire, bien sûr, contrôler le figé du mouvement. Si vous êtes par exemple à une étape du Tour de France, et que vous prenez une photo en tout automatique, l’appareil déciderait ou pas de figer le mouvement du cycliste. En contrôlant la vitesse, vous pouvez faire ce choix à sa place et donc ne pas laisser libre cours au hasard de l’appareil qui ne s’intéressera surtout qu’à une bonne luminosité.
Tout contrôler !
Vitesse 1/500 – Vitesse 1/30 – Vitesse 1/8
Pour ces 3 images, prises au même endroit en quelques secondes, j’ai tout contrôlé avec Iso 200, une ouverture de 8. J’ai ensuite imposé la vitesse comme mentionné sous les images. L’appareil a donc restitué ce que je lui ai demandé. Ici, seule la vitesse diffère. Donc il est normal que plus la vitesse est lente (1/30 est plus lent que 1/500), plus l’image est lumineuse. Sans faire de considération artistique, vous voyez que vous pouvez donner une direction à votre image. Les 2 premières semblent correctes mais n’ont rien à voir. Sortir du mode auto c’est donc décider ce que vous voulez faire. La troisième semble trop blanche (lumineuse) mais après tout, pourquoi pas !?
Un autre exemple
Vitesse 1/500 – Vitesse 1/60
Même chose ici avec un Iso à 200 et une ouverture à 8. J’ai imposé les vitesses mentionnées ci-dessus. Sur la première, on voit les feuilles de l’arbre « bien exposées », c’est-à-dire que les réglages mettent en valeur les couleurs de la partie gauche de l’arbre. Les couleurs sont chaudes et flatteuses. Le contraste des algues dans le bassin donne le même rendu. On voit aussi en bas à droite de l’image la piste de sable.
Le temps d’exposition de la deuxième image est plus long (1/60 c’est plus long que 1/500). Donc le capteur de l’appareil a enregistré plus de lumière. Le résultat est flagrant : on voit maintenant la grotte sous l’arbre ! Mais on ne voit plus la piste de sable qui est trop lumineuse. La gestion des sujets à l’ombre et au soleil sur la même image est difficile.
Vous avez ici un choix à faire entre 2 images qui paraissent toutes les 2 acceptables, mais vraiment différentes.
Comparons maintenant 2 images imposées par mes réglages avec le mode manuel (mode M sur les appareils, on règle tout).
Iso 200 – Ouverture 8 – Vitesse 1/250
Le soleil perçait dans les branches, c’était très joli. J’ai donc voulu jouer sur le contraste entre les feuilles et jouer sur ces tâches de lumière, quitte à ce que les autres feuilles soient quasiment noires. On voit aussi que le ciel est bleu. N’est-ce pas joli ?
Iso 200 – Ouverture 8 – Vitesse 1/60
Ici j’ai tout imposé, mais seule la vitesse diffère. 1/60, c’est plus long que 1/250, donc je laisse le capteur de l’appareil prendre plus longtemps de la lumière. L’image sera donc plus lumineuse. Le résultat le confirme : les feuilles noires deviennent vertes, le ciel bleu est moins bleu (plus clair). Mais on perçoit quand même toujours les tâches de lumière. C’est donc pas mal ! Vous faites votre choix entre ces 2 images ?
Iso 200 – Ouverture 4 – Vitesse 70
Ici j’ai laissé l’Iso à 200 mais j’ai laissé l’appareil décider de l’ouverture et de la vitesse. On peut donc considérer que je l’ai mis dans ce fameux mode automatique. Le résultat ? On voit tout ce qui est sombre. Le ciel est devenu blanc. Et les tâches de lumière ne sont plus vraiment là, on a du mal à les distinguer.
Je suis certain(e)s que certains préfèreront cette troisième image, très lisible. Mais je suis certain aussi que certain(e)s préfèreront la première ou la deuxième, peut-être plus « artistiques ». Et ces deux premières images ne peuvent être faites avec le mode automatique. Vous commencez à saisir l’intérêt d’en sortir ?
Iso ?
Je vais terminer avec les Iso dont je n’ai pas parlés. A l’époque de la photographie argentique, on mettait des pellicules avec une donnée nommée parfois Asa. 200, 400, 1600… En gros, à l’extérieur, on mettait du 200 ou 400, et du 1600 en intérieur. Car plus on augmente (1600, 3200, etc), on parle aussi de sensibilité, plus l’appareil va être capable de faire des photos dans un environnement sombre.
Voici 2 images où j’ai imposé la sensibilité Iso : 200 pour l’une et (carrément) 6400 pour l’autre. Mais comme je laisse l’appareil décider de l’ouverture et de la vitesse, je m’attends à avoir 2 images semblables en luminosité.
Iso 200 – Ouverture 5,6 – Vitesse 1/240
Iso 6400 – Ouverture 16 – Vitesse 1/1100
En effet, les images sont a priori semblables !!! Toutes les données sont aux extrêmes l’une de l’autre. Avec un Iso fort (6400), donc s’adaptant aux situations de lumière normalement sombres, l’appareil a compensé en laissant rentrer moins de lumière avec une petite ouverture (plus on s’éloigne de 1, plus on dit que l’ouverture est petite), et en donnant un temps d’exposition (vitesse) plus rapide car 1/100 est plus rapide que 1/240.
Les images sont donc semblables ? Je vous propose un test de « crop », c’est-à-dire un grossissement de l’image sur Michael Lonsdale.
Avec un Iso 200, Michael Lonsdale est « net ».
Avec un Iso 6400, il n’est pas net. L’image a un grain important. C’est là la différence entre les 2 images.
Plus l’Iso est important, plus le grain est présent. Pour un affichage web, ce n’est pas toujours gênant. Mais si vous souhaitiez faire un agrandissement 60×40 cm, l’Iso aurait une vraie importance.
Moralité : pour la qualité de la photo, soyez toujours le plus proche de 100 possible. Et si vous avez besoin de monter car vous êtes dans le noir, faites-le, vous ne pourrez de toute façon pas faire autrement. A voir aussi si vous voulez du flou de bougé ou du flou d’arrière-plan pour jongler entre les réglages.
En résumé, sortir du mode automatique permet :
- De gérer la luminosité si vous aimez les images lumineuses ou plutôt sombres (qui donnent de l’intimisme) ; le mode automatique vous imposera une luminosité moyenne
- De gérer le flou d’arrière-plan ou le « tout net » selon ce que vous aimez
- De gérer le flou de bougé si vous souhaitez donner du mouvement à votre image ou au contraire figer un sujet
- De gérer les contrastes en cas d’environnement difficile (ombres et lumières) : donner de l’importance aux parties sombres ou aux parties lumineuses ; le mode auto fera une moyenne qui ne sera pas forcément satisfaisante ; jouer sur les contrastes ajoute de l’artistique aux images ; si vous souhaitez exposer pour les parties en pleine lumière, celle-ci seront lisibles, et ce qui sera à l’ombre sera noir, ça peut être très joli ! à l’inverse, si vous souhaitez exposer pour les parties sombres, elles seront lisibles, et les parties lumineuses seront blanches ce qui donnera une toute autre ambiance !!
Vous allez maintenant faire des essais et franchir le pas de sortir du mode photo automatique ? Faites-moi part de vos essais, ça m’intéresse ! Et ne vous limitez pas, le numérique le permet !